En dix ans, Paris a plus changé qu'en un siècle. En créant un secrétariat d'Etat aux Grands Travaux, François Mitterrand a-t-il réussi à imposer un style? Qu'y a-t-il de commun entre l'Arche de la Défence et la Grande Bibliothèque, l'Opéra-Bastille et la pyramide du Louvre? Les architectes français vedettes répondent à ces questions. Christian de Portzamparc: «Les étrangers disent «French» avec un certain sourire, un peu d'humour et de distance. Ce style est assez vite reconnu, grâce à sa fraîcheur. C'est notre étatisme qui étonne les étrangers, Ils voient du Louis XIV dans notre ministère de la Culture, un ministère intelligent mais qui décide de tout». Claude Parent: «Je ne sais pas s'il s'agit du goût personnel du président Mitterrand. Mais le mot est juste s'il désigne l'architecture de son temps. C'est un style très pasteurisé, bon chic bon genre, sans aspérités. J'appelle ça de l'architecture «bateau», dans le sens «passe-partout». Ce style fait son trou, concours après concours. C'est la réponse à la demande des maires, de la haute administration. Un style sans danger politique, qui ne fait pas de vagues. On en trouve aussi bien dans une ville neuve que dans un site historique, aussi bien dans un village que dans une grande ville».

 

La pyramide du Louvre (architectes leoh Ming Pei, Michel Macary, Jean-Michel Wilmotte, Italo Rota) a provoqué de furieuses discussions. C'est un chef-d'oeuvre d'ajustement de pièces métalliques, calculées une par une par ordinateur, avec du verre aux propriétés exceptionnelles. Jacques Chirac, maire de Paris à l'époque, a fini par se persuader de son innocuité quand on a installé à son emplacement une maquette grandeur nature.

La Grande Arche de la Défense. Son architecte, le Danois Otto von Spreckelsen, est mort en cours de chantier. De crise cardiaque, pour les uns. Ecrasé par l'immensité du chantier, pour les autres. De chagrin quand on lui a supprimé les nuages de toile de part et d'autre, d'où l'arche devait émerger: ils ont été remplacés par des bureaux.

La Grande Bibliothèque  de  France (architecte Dominique Perrault). Ce projet a déplu aux nombreux universitaires, qui ont signé une pétition. Ils s'indignaient de la fragilité des tours dans lesquelles sera mis le patrimoine écrit de la patrie: trop hautes, donc à la merci d'un incendie, d'un bombardement, d'un avion fou; trop transparentes donc à la merci du soleil. Raison cachée: certaines salles seront ouvertes à tous. Une commission a obtenu le perfectionnement du projet: les tours ne dépassent pas 80 mètres de haut et les livres précieux seront gardés dans les socles.  Maintenant,  écologistes et sylviculteurs français font front commun pour des raisons opposées et dénoncent l'emploi du bois d'imé, une rareté amazonienne.

L'Opéra-Bastille (architecte Carlos Ott). Sa scène est entourée de scènes secondaires qui devaient éviter le montage et le remontage des décors, grâce à des plateaux roulants. La salle peut accueillir 2700 spectateurs.

Le centre de conférences internationales (architecte Francis Soler). Ce projet a suscité l'opposition des habitants du quartier à cause des verrières trop hautes (elles fermaient leur vue sur la Seine) et l'absence de verdure. Le tribunal administratif a donc annulé le projet. Mais le Conseil d'Etat lui a donné son feu vert: à condition que l'architecte réduise la hauteur et prévoit des espaces verts.

Les architectes français sont bien accueillis à l'étranger: Portzamparc et Perrault ont construit au Japon (une Mecque de la construction ouverte aux Français), Perrault construit à Berlin une piscine et un vélodrome olympiques. Berlin réunifié est devenu l'eldorado de l'architecture française: c'est Jean Nouvel qui y construit les Galeries Lafayette.

(O. Petrenko “Le Français”)